Un mardi après-midi de novembre, il est 16 heures et Caroline m’a donné rendez-vous dans un café du 8ème arrondissement de Paris.
J’arrive avec quelques minutes d’avance et je reconnais immédiatement sa chevelure blonde et ses lunettes noires, emblèmes du personnage.
Je m’installe à côté d’elle, et tout de suite, elle me met à l’aise me demandant ce que je veux boire. Avant de commencer l’interview, Caroline me précise de ne pas faire attention aux deux personnes derrière nous qui trouvent des choses à redire sur le spectacle de Gaspard Proust… En moins de cinq minutes je me retrouve à rire, et en même temps, qui à quelque chose à redire sur le spectacle de Gaspard Proust ?
Pour travailler à la télévision il faut… avoir de la chance et de la ténacité.
Être chroniqueuse c’est… avoir un petit plus dans un domaine.
Être une femme aujourd’hui… ça doit être divin même si c’est plus difficile après 50 ans !
Si je devais changer quelque chose… je ferais en sorte que les gens qui se conduisent bien soient plus mit en valeur.
Si un mot devait vous qualifier ? Curieuse
Une chose que vous aimeriez faire mais que vous n’avez jamais osé faire ? Sauter en parachute !
Une question que je ne vous ai pas posée et que vous auriez aimé que je vous pose ? C’est si désagréable que ça de vieillir en télé ?
Alors est-ce que c’est si désagréable que ça de vieillir en télé ? Pas pour moi, car le peu de chemin que j’ai fais je ne l’ai pas construit la dessus. Mais j’imagine peut-être que oui ! (rires)
Le parcours de Caroline, du monde de la musique à celui de la télévision !

DeLouison (DL) : Vous avez débuté votre carrière au sein de Virgin puis Epic Records. Je voulais savoir quelles étaient les similitudes entre le monde de la télévision et le monde de la musique ?
Caroline Diament (CD) : Les similitudes se trouvent dans le fait de côtoyer des personnes à forte notoriété qui sont dans la lumière. Dans la façon de travailler, il y a quelque chose de très précaire dans le monde de la TV alors que dans le monde de la musique, à l’époque, nous étions des employés comme au sein d’une entreprise. À la télévision c’est un mode de fonctionnement complètement différent, avec ses intermittents et des équipes qui peuvent rapidement se mettrent en place pour une émission, puis cette émission peut disparaître !
DL : En 2003, votre amie Liane Foly vous présente à Laurent Ruquier et ce fut le début de votre aventure à la télévision. Comment s’est passée cette rencontre ?
CD : J’ai rencontré Laurent Ruquier avec elle mais il n’était pas du tout question qu’elle lui parle de moi ! Elle allait voir sa pièce et elle m’a proposé de venir au dernier moment ce à quoi j’ai répondu « pourquoi pas ! ». Puis elle m’a dit qu’elle allait dîner avec lui après la représentation, je ne voulais pas y aller, et elle m’a dit : « Mais ne t’inquiète pas il est toujours avec sa bande, si tu as envie de te mettre dans un coin… ». Mais en réalité il n’était pas du tout avec sa bande et nous avons dîné tous les trois. Ce fut très sympathique mais il n’y avait pas d’enjeu.
C’est quelques temps après que Liane Foly lui a reparlé de moi et il a dit vouloir me tester en radio. Elle l’a contacté un week-end et le jeudi de la semaine suivante je faisais ma première émission. Il m’a appelé la veille en me disant : « Soit exactement comme tu étais au dîner ». La pression n’était pas énorme. Puisque j’étais naturelle lors de notre dîner, je me suis dit que je serai naturelle. Je n’ai pas cherché à prendre la parole à tout prix !
DL : Quand est-ce que vous vous êtes dit : « Je suis animatrice, je suis chroniqueuse » ? Est-ce qu’il y a eu un déclic ?

CD : Non ! Même maintenant je ne me le dis pas vraiment. Quand je me retourne cela fait maintenant 15 ans mais en réalité pour moi c’est une parenthèse. Au moins pendant les 10 premières années tout ceci était une parenthèse enchantée. Je ne suis pas en train de construire une carrière, j’avance au gré du vent, des opportunités, des occasions. Je sais ce que je ne veux pas et surtout ce que je représente. Cela fait 4, 5 ans que j’ai plus conscience que je ne suis plus un hasard complet.
DL : Quand on vous demande quel est votre métier, vous répondez quoi ?
CD : Que je fais « la connasse » à la radio et à la télé (rires). C’est parfois presque indécent de dire que c’est un métier par rapport à la difficulté d’autres professions. Quand je dis « connasse » c’est très affectueux, la preuve c’est que je m’auto-proclame connasse avec tout ce que ça à de sympathique et de déjanté !
DL : Qui vous a donné le meilleur conseil dans ce métier? Et qui résonne encore en vous ?

CD : J’ai été élevée professionnellement par Laurent Ruquier. Le sens du rythme et ses directives, plus que ses conseils. Après, dès que j’ai commencé la télévision, Catherine Barma au bout de la deuxième ou troisième émissions m’a dit : « Tu as quelque chose de très rare en télé, tu as une manière de dire les choses qui fait que tu peux pratiquement tout dire. » Et ce n’est que des années plus tard que j’ai compris exactement ce qu’elle voulait dire. Je me rends compte qu’avec l’humour, la voix grave, le second degré, l’auto-dérision, je n’ai pas de filtres mais je sais ce que je dis. Je n’ai rien qui m’échappe. On peut avoir l’impression comme ça… mais rien de m’échappe.
DL : Qu’est ce que vos amis disent de vous ?
CD : Une de mes très bonne amie me décrivait (à l’époque où je travaillais à la maison de disque) en disant : « Caroline c’est, s’il-te-plaît, je t’emmerde, merci ! » (Rires). Ça me faisait rire car c’est vrai qu’avec la voix que j’ai, je n’ai pas besoin d’être ultra autoritaire et de me mettre en colère. J’ai du traumatiser quelques personnes car j’ai grimpé vite et que l’on fait des jaloux surtout quand on est une femme, à l’époque ! Mais les gens sont bienveillants avec moi.
DL : Qu’est ce que vous aimeriez que l’on dise de vous?
CD : L’un des compliments qui me touche le plus c’est lorsqu’on me dit que je suis une femme vraie, une femme bien.
Une chroniqueuse dans l’instant !
DL : Comment vous définissez-vous en tant que chroniqueuse ?
CD : Tout dépend de l’émission dans laquelle je suis. Je ne suis pas quelqu’un qui prépare. Je ne suis pas dans un exercice où je dois préparer un papier, une chronique. Je suis plutôt présente, je dis tout ce qui me passe par la tête. Je me sens comme un électron libre. Je n’ai pas besoin d’avoir beaucoup la parole. Mais personne ne peut mettre ses mots, dans ma bouche. Ce n’est même plus mon problème de savoir si c’est gardé, coupé ou trop indécent.
Dans l’équipe de Laurent Ruquier je me suis dit que j’étais entourée de personnes avec une forte notoriété et je suis une des seules avec Péri Cochin à ne pas venir du sérail. Je me suis alors rendu compte que je n’aurai pas le premier rôle dans cette équipe mais je me suis dit que j’étais du sel ou du poivre, ou une vinaigrette pour une salade. La vinaigrette toute seule ce n’est pas un plat, le sel tout seul ce n’est pas un plat mais ça agrémente bien les plats principaux. Et puisque j’ai eu une carrière professionnelle avant, je n’ai pas besoin du premier rôle mais de me sentir bien, à l’aise et plutôt heureuse.
DL : Pourquoi dit-on qu’il faut toujours se donner un rôle lorsque l’on est chroniqueur ?
CD : Je pense que celles et ceux qui se donnent un rôle s’imposent une notoriété plus rapide. Je pense que j’ai eu une notoriété très lente parce qu’elle n’était pas segmentante. Je ne me suis pas obligée à être odieuse, à provoquer des clashes car ce n’est pas dans mon tempérament. Je suis directe mais dans une manière assez douce et respectueuse. Je n’aime pas du tout les conflits dans la vie, je ne les aime pas plus sur un plateau. Je déteste les personnes qui perdent le contrôle, je n’ai pas du tout de respect pour cela. Parfois j’ai sentie qu’on avait envie de me pousser malgré moi, vers le fait d’être un peu plus intrusive mais je me suis dit que dans la vraie vie je ne poserais pas cette question. Donc je ne la posais pas.
DL : Votre ligne directrice c’est d’être vraie, constamment ?
CD : Oui ! C’est de ne pas faire de compromis. Je suis droite. J’ai des valeurs importantes que je n’ai pas envie de bafouer. J’aime être fière de moi et je n’ai pas honte.
DL : Le secret d’une bonne chroniqueuse c’est d’être dans le vrai et de ne pas faire cette différence entre la réalité et le plateau ? Et comment appréhendez vous le stress ?
CD : Imaginons si j’étais humoriste et que je devrais écrire un sketch. Je serais stressée car l’objectif serait de faire rire en plateau. Mais je me suis donnée un rôle simple qui est que, je suis censée être plutôt drôle, mais si je fais une mauvaise blague j’en joue. Je ne suis pas humoriste donc je n’ai pas l’impression d’avoir besoin d’être tout le temps drôle. C’est comme si vous me demandiez si j’étais stressée avant d’aller à un dîner ?
Mon métier c’est d’être parfaitement à l’écoute de l’instant présent. C’est d’ailleurs pour cela que je ne rédige pas car je veux être dans l’instant présent. J’ai l’impression de représenter la personne du public, le téléspectateur qui aurait le droit d’être au bout de la table.
DL : Que faut-il savoir avant de vouloir travailler à la télévision ?
CD : Que lorsque vous y êtes c’est une vérité pour le jour même et pas pour le lendemain. Il faut être prêt à se dire que quoi qu’il arrive on pourra rebondir. Il faut s’habituer à se voir. Être conscient que l’on va découvrir des défauts que l’on ignorait avoir, je parle physiquement.
DL : Est-ce que vous vous regardez à la télévision ?

CD : Au début j’étais obligée ne serait-ce que pour des détails physique. Un vêtement à porter qui ne s’avère pas très flatteur à l’écran, la façon de s’exprimer, etc… Car ce n’est tout de même pas la vraie vie ! Mais aujourd’hui je ne me regarde plus, sauf si je tombe dessus par hasard. Pour les Grosses Têtes c’est pareil, si je tombe dessus je ne change pas !
Une femme indépendante et intègre
DL : Qu’est ce que la réussite pour vous ?

CD : La partie pragmatique de la réussite c’est de ne pas être dépendant de qui que ce soit. D’autant plus quand on est une femme. La plus grande réussite, à un moment donné, c’est de s’être prouvé des choses à soi-même. De s’étonner !
DL : Lorsque vous êtes devenue chroniqueuse est-ce que vous vouliez apporter une ou des choses précises aux gens ?
CD : Non, jamais ! En revanche Liane Foly m’a dit, et elle avait raison, « Je suis sûre que les femmes vont t’adorer ! ». Et c’est vrai que je n’attire pas l’antipathie.
Mon plus grand plaisir n’est pas de passer à la télé ou d’être reconnue par certaines personnes. Mon plaisir ne vient pas de là. Et puisque mon plaisir ne vient pas de là je ne suis pas trop inquiète pour la suite. Je ne suis pas non plus une star avec tout un tas de privilèges. J’ai une vie extrêmement normale, j’ai juste des gens qui me sourient de temps en temps.
DL : Si je vous dis les mots « femmes » et « télévision », qu’est ce qui vous vient à l’esprit ?
CD : Je pense plutôt aux journalistes de JT. Claire Chazal, Léa Salamé de la nouvelle génération, des femmes qui ont une culture de leur époque, qui viennent du journalisme pur et dur. Car elles sont tout l’opposé de moi.
DL : Qu’est ce que vous aimeriez que l’on vous propose ?
CD : On m’a proposé des pièces de théâtre. Si cela se fait un jour, sera venu vers moi le bon projet. Je n’aurai pas une démarche pro active vis à vis de cela.
Mon angoisse ce n’est pas de savoir si je vais continuer à faire de la télé, mais c’est de savoir si je vais réussir à vivre sans dépendre de personne.
CD : Le cinéma m’intéresse aussi, l’écriture cinématographique, l’écriture d’une série, le style du thriller. Jouer dans une série mais si je suis à l’initiative de la création du personnage, sauf si on me propose un rôle, peut-être ! La couture, les créations de robe pour femmes fortes que l’on n’habille pas. Et idéalement si j’étais une version améliorée de moi-même, je me demanderais « Comment aider les autres femmes ? ».
DeLouison (DL) : Avez-vous sentie être une femme, en travaillant à la télévision ?

CD : Non ! Mais quand je suis aux Grosses Têtes, les hommes sont toujours en majorité, c‘est macho, c’est machiste, donc je suis consciente d’être une femme à chaque fois que je suis aux Grosses Têtes. Mais j’étais consciente d’être une femme dans le disque. À l’époque nous étions peut-être 4 femmes à avoir un poste important. Et lors des réunions internationales, j’étais la seule directrice de label ! Tout est dit.
CAROLINE DIAMENT EN UNE ANECDOTE ?

CD : Les petites bêtises que je dis volontairement quand je fais des émissions, en sachant qu’elles seront coupées, mais juste pour faire rire mes camarades ! C’est ce qui me caractérise le plus. Cette envie de faire rire !
QUELLE EST « LA FEMME D’INFLUENCE » QUI VOUS INSPIRE EN 2018 ?
CD : Les femmes d’influence, ce sont des femmes qui peuvent nous influencer sur un choix de parcours. En tout cas, à mon niveau, j’espère que je contribue à distiller de la bonne humeur ! Parfois dans la rue je vois des gens qui ont le sourire dès qu’ils me voient. Ce qui veut dire que le fait de me croiser leur permet d’invoquer immédiatement un sourire et je trouve ça vraiment sympathique car c’est un énorme compliment !
Je suis béate d’admiration devant Aurélie Dupont ou Marie-Claude Pietragalla. J’ai toujours eu une fascination pour les danseuses classiques, pour ces carrières courtes et si difficiles.
Je suis une inconditionnelle de Florence Foresti, c’est une femme intelligente, qui me fait rire, c’est une femme que j’aime beaucoup.
J’aime beaucoup Géraldine Nakache et Leïla Bekhti. Leïla Bekhti incarne la nouvelle génération d’actrice, elle est belle, intelligente, c’est une femme d’influence. Il faut regarder du côté du futur, de ces femmes qui feront bouger les choses dans leur domaine.
Si je ne devais retenir que l’essentiel…
Caroline c’est avant tout une femme d’affaire qui du jour au lendemain s’est retrouvée dans une parenthèse enchantée. Animatrice, chroniqueuse et presque…humoriste, il est impossible de la décrire sans évoquer sa simplicité, sa véracité, sa gentillesse et son intelligence.
Son point fort ? Être dans l’instant présent. Sur le plateau rien ne lui échappe. Du reportage qui vient d’être diffusé, à la réaction du chroniqueur à l’autre bout de la table ou encore au public, Caroline brille dans l’instant.
Et si rien ne lui échappe ce n’est surement pas par hasard. Consciente de la place qu’elle occupe à la télévision et à la radio elle sait exactement quand prendre la parole mais surtout comment apporter sa touche qui portera et sublimera le groupe.
Merci Caroline d’avoir partagé ton expérience et ton regard de femme des médias. Car s’il y a bien une chose que j’ai retenue, c’est qu’il est important d’être intègre et de ne pas se détourner de ses valeurs, ce qui peut parfois, dans ce métier, s’imposer à nous.
DeLouison.
J’aimerais bien rencontrer Mme Diament. Mais je suis au Québec à Montréal. Serge
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